Au musée
Jeu simple. Tiphaine, Elise. Février 2006.
Une femme à la chevelure filandreuse sortit du tableau. Elle hantait, depuis un siècle maintenant, ce petit musée de province. Elle en connaissait la moindre parcelle, la mélodie des poutres qui craquaient, le frisson des parquets sous ses doigts de pieds nus.
Toutes les nuits, elle suivait le même rituel et s’arrêtait, après avoir traversé rapidement la longue galerie, devant un compotier en argent. Lorsque la lune se reflétait dans le métal, le portrait du Comte de Champagne s’animait et lui aussi descendait, un bouquet de primevères à la main.
Dans l’atmosphère désuète du vieil hôtel particulier, les deux amants qui se faisaient face semblaient ne s’être jamais quittés ; ce soir là, seuls les après-ski oubliés dans un coin par le gardien venaient troubler cette image du passé. Le malheur voulut que le Comte posât les yeux sur ces objets déplacés et voulût s’en emparer : cela rendit le charme inopérant. La comtesse, qui savait ce que ce loupé signifiait, poussa un cri alors que, déjà, ses cheveux tissaient autour de son corps un épais cocon qui l’isolerait à jamais de ce monde des esprits et de son tendre amant.